La nouvelle année est arrivée !
Semaines de la lecture vous la souhaite pleine des meilleurs livres. Et en la matière, nous exigeons la qualité ET la quantité ! Soyons folles…
Voici donc nos 17 propositions-cadeaux, toutes des coups de cœur.
Pourquoi 17 ? Parce que 12 mois ne suffiront pas à les goûter, savourer, déguster, avaler, dévorer… Comme dans les meilleures offres, on vous propose un bonus de presque 50 % !
Bonne nouvelle année à vous toustes, nos supporters favorit·es ! et au plaisir de vous retrouver… en mai 2025 ? Suivez-nous sur notre site, toujours à jour.
Le comité de SL
Marie-Laure, Françoise, Agnès
Cliquez ci-dessous pour découvrir nos 17 coups de cœur
Si je suis de ce monde
Albane Gellé, 2024
Des poèmes pour tenir, tenir sourire, tenir penché, tenir solide, tenir bon, tenir debout
Tenir bon la plupart du
temps après les chagrins
des saisons les fêtes refrains
chantés dansés et notre manque
de légèreté parmi les
amis les tablées les rires
allez tout le monde debout
Ilaria
Gabriella Zalapi, 2024
Dès les premières lignes de lecture, Ilaria ou la conquête de la désobéissance de Gabriella Zalapi,touche et convainc par la justesse de son ton. Ce roman court, dans l’éternel présent de l’enfance, est porté par la voix d’une petite fille de 8 ans qui grandit jusqu’à ses 10 ans, ballotée dans une Fiat conduite par un père vulnérable et immature qui roule sur les routes de Turin à la Sicile, qui va d’hôtel en hôtel avec Ilaria enlevée à sa mère et sa soeur. Un père en cavale, un père inadéquat, colérique et pourtant aimé, une petite fille qui s’ennuie de celles qui sont restées à Genève et qui semblent l’abandonner. Une petite fille qui regarde la lumière perlée qui caresse son chagrin incommensurable.
Ca pourrait être sombre et sans espoir cette histoire d’abandon, d’arrachement, de déchirement, et ça l’est mais pas seulement, car la petite continue d’aimer regarder dehors, écouter les tubes des années 1980, sauter, jouer et faire le cochon pendu et tenter de comprendre les mouvements intimes qui guident son père qu’elle plaint autant qu’elle craint.
L’Autre moitié du soleil
Chimamanda Ngozi Adichie, 2008
La Nigérienne aux mille prix, grande influenceuse de tout le continent africain, icône féministe engagée contre le racisme et le sexisme. Pour entrer dans le récit, camper le décor. Refuser les images toutes faites, chercher des images de parasolier, de kolatier, de manguier, de goyavier, d’anacardier. Ouvrir une carte de géographie et situer le Niger, le Nigéria, le Biafra, éphémère république plus précisément Enugu, Abuja, Lagos. Dire à haute voix le nom des personnages pour entendre la musique de la langue Igbo qui traverse ce roman au souffle épique et qui réveille nos souvenirs de la plus grande famine du 20e siècle. Il y a 50 ans. Du début des années 1960 à sa fin.
C’est toute l’histoire de la colonisation et ses méfaits, des espoirs de sécessions, d’une guerre fratricide (dite civile…) au travers de personnages si attachants qu’on ne voudrait plus les quitter. Olanna et sa soeur jumelle Kainene que tout oppose, Odenigbo, l’intellectuel et amant d’Olanna mais aussi Richard, journaliste anglais, tout un monde raffiné sous le regard du jeune Ubwu, arrivé des campagnes. Une myriade de personnages vivent leurs amours, leurs désirs et leurs trahisons, leurs combats, leurs rêves dans ce bouleversant roman où la protagoniste principale, la guerre, fait tout chavirer.
La Colère et l’Envie
Alice Renard, 2023
Joie de la pépite que vous trouvez sur votre chemin de lectrice. Et comme avec toute joie, l’envie de la tendre à d’autres, vers d’autres.
De quelle matière, cette pépite de mots? de la matière poétique, de l’invention d’un style unique à la syntaxe bordée de silence et brodée au fil de la différence, d’une histoire profondément originale, celle d’Isor, jeune fille enfermée dans un mutisme dont les médecins ne savent dire la raison, celle de ses parents qui oscillent entre rejet et protection de cette fille pas comme les autres et celle de Lucien dont la vie s’est refermée sur le chagrin et la perte.
Une pépite à la forme fragmentée, éclats et alternance des voix qui forment autour d’Isor un écrin de poésie.
Une pépite qu’on doit à une autrice dont la jeunesse (21 ans à la parution du roman) réjouit et la maturité intérieure impressionne.
Le Temps d’un visage
Ruth Ozeki, 2024
Court essai, sorte de performance intérieure.
L’autrice, par ailleurs nonne zen, s’adonne à un exercice: demeurer 3 heures devant le miroir à l’observer, le scruter, l’interroger. Elle s’inspire d’un exercice proposé à des étudiants en histoire de l’art à qui une professeure demande de rester 3 heures devant la même oeuvre, en attention immersive dans un musée.
À l’extrême opposé d’une recherche narcissique, l’exercice est une pratique de méditation sur l’impermanence, l’asymétrie, le vieillissement, sur le métissage qui se lit sur son propre visage au trait du père, américain et d’une mère japonaise.
Que peut raconter le sourcil droit? la paupière qui tombe, l’implantation des cheveux? C’est parfois malicieux, toujours profond, et c’est surtout une invitation à se plonger dans son propre visage, ses rides, sa propre histoire à la lumière de sa propre culture. Levinas n’est jamais très loin.
La couleur de l’aube
Yanik Lahens, 2008
À l’aube, deux soeurs découvrent la disparition de Fignolé, leur jeune frère happé par la nuit de Port-au-Prince, ville à la violence inouie, en proie à l’aléatoire déchaînement de violence d’un pouvoir corrompu et d’une misère apocalyptique.
L’inquiétude les étreint toutes les deux dans leur singularité. Il y a Angélique l’infirmière, la sage, la résignée en proie à des doutes et Joyeuse, la fantasque, la sensuelle, l’intranquille, l’insurgée.
D’une aube à l’autre, elles nous parlent de leur vie, de leur relation à leur frère Fignolé, le musicien et poète, militant déçu du parti des démunis, de leurs espoirs, de leur courage, de leurs amours heureuses ou malheureuse. Et derrière leurs mots se dessine une île au futur bien incertain. La langue des deux soeurs est une splendeur, un feu d’artifices qui seul peut dire la beauté, l’amour et la haine pour un pays meurtri par la folie des Duvaliers ou autre Jean-Bertrand Aristide reconnaissables sous les métaphores-périphrases « prophète d’avant », « président à vie », « Prophète-Président », « fils de l’autre Prophète-Président». Et dans cette langue sensuelle et puissante, des lueurs dans la nuit noire qui peine à se lever. Et ces lueurs s’appellent: lucidité, courage, détermination, volonté et pulsion de vivre malgré la monstruosité du destin de qui nait dans un quartier d’une ville gangrénée de violence et de misère.
Elles
Alba de Cespedes,1949
Elle s’appelle Alexandra et c’est une ardente. Elle vit à Rome mais aussi dans les campagnes isolées des Abruzzes avec sa Grandmère, une femme forte, à l’ancienne qui sait gouverner son clan et elle se reconnait dans son ardente petite-fille qui ne peut se contenter de ce destin enfermant pour les femmes dans l’Italie fasciste des années 1940.
Alexandra ressemble aussi à sa mère, une pianiste qui a renoncé à son art en se mariant, qui lui lit les pièces de Shakespeare le soir et qui choisit un amour romantique fatalement voué à l’échec.
Alexandra doit se choisir un avenir, elle qui est à peine attachée à l’arbre généalogique, qui ne veut pas de la voie toute tracée pour les femmes et qui a une sensibilité douloureuse extrême.
Quand elle rencontre Francesco, un militant antifasciste de la première heure, elle se jette à corps perdu dans le mariage et la résistance. En filigrane, tous les thèmes féministes se dessinent sur une trame d’oppression.
Elle a quelque chose tout à la fois d’Ana Karénine, d’une héroïne balzacienne aux illusions perdues, d’une Ophélie et d’une Madame Bovary. Mais elle s’appelle Alexandra et ses questions existentielles sont d’une grande modernité.
Un portrait de femme bluffant ! Difficile d’aller plus avant dans les doutes et les affres d’une femme.
Premières à éclairer la nuit
Cécile A. Holdba, 2024
L’UNE EST L’AUTRE. L’une, la poétesse, traductrice et peintre Cécile A. Holdban, est tantôt l’une ou l’autre de ces magnifiques poétesses du 20e siècle. Elle est l’une ou l’autre des 15 poétesses pour qui la poésie est tout car vivre ne suffit pas, car vivre est une douleur : Edith Södergran. Gertrud Kolmar, Ingrid Jonker, Marina Tsvetaïeva, Ingeborg Bachmann, Sylvia Plath, Alejandra Pizarnik et 8 autres poétesses qui ont vécu sous les cieux des plus grands tyrans du siècle dernier.
Se dresse devant la lectrice et les lecteurs qu’on voudrait nombreux un chœur de femmes qui disent les douleurs et l’intense beauté de la vie, la désespérance et le courage inouï qu’il faut pour la traverser ou la quitter.
L’UNE EST L’AUTRE comme le fleuve et la mer dans l’estuaire, comme les amants maudits et magnifiques, comme des jumelles, comme une mère et son enfant, comme l’osmose que permet la lecture des 15 superbes lettres de ces éclaireuses de ténèbres à qui Cécile A. Holdban prête son talent qui éclate du titre à la beauté claire à l’écriture limpide et empathique qui traverse tout ce bouquet de lettres douloureuses et poétiques.
Triste Tigre
Neige Sinno, 2023
Blanc le prénom de la narratrice et autrice qui raconte le récit glaçant de l’abus en empruntant le point de vue de son triste beau-père, celui de sa sœur, de sa mère et même des lectrices et lecteurs, des membres du jury du procès, donnant à ce récit une lumière subtile et nuancée faite de questionnements plus que de réponses, notamment sur la notion de résilience qu’elle chahute à raison en éclairant ses limites.
Blanche l’écriture clinique et factuelle de Neige Sinno, jamais dans le sensationnalisme, une écriture entre essai et autobiographie qui pense le monde détruit de l’enfance blessée, qui l’interroge par la philosophie d’Arendt, les racines du mal, essai qui plonge dans la littérature, convoquant Nabokov, Goliarda Sapienza, Virginia Woolf, Despentes et tant d’autres.
Blême et blanc le visage de la lectrice qui perd parfois le courage de lire des lignes si douloureuses et si communes et néanmoins nécessaires.
Rouge la colère contre les abus d’enfants, contre les rapports de domination car il s’agit toujours de cela, de rapports de domination, de puissance, d’emprise.
Violette l’espérance d’apprendre à vivre au bord, au seuil du pays des ténèbres. Les yeux grands ouverts.
La Dernière déclaration d’amour
Dagur Hjartarson, 2024
Mélancoliquement drôle ou drôlement mélancolique ou peut-être les deux ? telle est la question qui m’est venue à l’esprit en lisant en des jours pluvieux “La Dernière déclaration d’amour” de Dagur Hjartarson, un jeune auteur et poète islandais publié dans une maison d’édition québécoise et prêté par une amie passionnée d’Islande (il en faut parfois des hasards ou des circonstances pour qu’un livre vienne à soi).
Se saisissant d’un sujet vieux comme le monde mais toujours neuf, l’amour qui nait, l’amour qui s’effiloche, l’amour qui initie, l’amour aujourd’hui comme hier, Dagur Hjartason lui donne une forme unique, farfelue, urbaine, boréale, contemporaine et surtout poétique.
C’est surtout un récit de haute voltige poétique. Le narrateur, “ce diplômé à l’université du doute” et que la vie intérieure submerge, tente par les mots de dire son ineffable profondeur dans une légèreté stylistique formidable. Les brisures, les espoirs, les ténèbres sont enluminés de pépites stylistiques qui arrachent à la lectrice des sourires d’ange, vous savez, ces sourires de nouveau-nés qui ravissent le cœur.
Les règles du mikado
Erri de Luca, 2024
Il arrive parfois qu’une lecture bivouaque dans la forêt de notre psyché et qu’elle y dépose à notre insu sa leçon.
Les règles du mikado, dernier livre d’Erri de Luca, en est un exemple. Ce texte, à la frontière du conte, de la conversation, de l’essai se lit d’une traite. Court et limpide. Presque trop au premier abord et puis il s’installe et déploie ses sens.
Un horloger, à la frontière de la Suisse mais aussi tout proche de la vieillesse rencontre une jeune gitane. On ignore leurs noms. Ils conversent du temps (pas horloger pour rien), des coutumes (pas tzigane pour rien), du jeu du mikado et l’on songe à un récit de transmission.
Ce serait un peu simple! mais c’est aussi une métaphore de la vie et de la conversation avec un être ou avec un livre que ce jeu de mikado: quelque chose en nous peut être touché par un mot, une rencontre aussi. Dans le déploiement de sens du mikado, y aurait-il 40 sens comme les 40 bâtonnets qu’on jette dans l’espace de façon aléatoire?
En tout cas, il y est question de hasard, de trajectoires, de clandestins, de chaos, de transmission, d’imprévisibilité, de solitude, de vieillesse aussi, l’âge du bivouac qui se vit comme une aventure, d’oralité… d’engagement, de politique, de secrets et du renversement des rôles quand on vieillit: on croit tout une vie qu’on protège quelqu’un pour découvrir qu’en définitive c’est lui qui nous protège…
Une chose de sûre: après la lecture de ce texte d’Erri de Luca, on ne joue plus jamais innocemment au mikado!
Herbier de prison
Rosa Luxemburg, 2024
Un herbier, ça a l’air de rien, ça a l’air inoffensif sauf… sauf s’il est de la main de Rosa Luxemburg lorsqu’elle est en prison et que chaque fleur observée, reçue, collectionnée est l’objet d’une attention exceptionnelle, celle qui donne de la joie.
Chaque étamine, chaque pétale relève de la passion de la vie de la révolutionnaire emprisonnée et assassinée pour ses idées pacifistes.
Le beau livre des éditions Héros-Limite HERBIER DE PRISON, préfacé magnifiquement par Muriel Pic, offre lettres et planches qui se lisent, se regardent et invitent à vivre en état de poésie.
Comme des bourdons ou des abeilles, les lecteur·rices butinent une leçon de vie, de courage, de résistance, d’émancipation et de délicate attention aux autres et à la fragilité du vivant.
Mille mercis Rosa pour ce pollen révolutionnaire.
Atteindre l’aube
Diglee, 2024
Le récit de Diglée, Atteindre l’aube, s’inscrit dans le droit fil de mes préoccupations: la question des filiations, de la liberté prise sur les modèles, du déboulonnement de nos idoles.
Mais aussi de ce que l’on doit à celles qui nous ont précédées dans un mouvement perpétuel puisqu’un jour nos enfants se poseront les mêmes questions.
Diglée raconte dans un style décontracté et subtil à la fois les découvertes qu’elle fait à la mort de sa grand-tante Géorgie, son modèle d’identification. Elle a grandi dans l’admiration de cette femme fantasque, charismatique, apparemment libre mais enserrée par ses propres secrets et failles.
Et c’est là que le projet de Diglée devient intéressant: elle déconstruit les mythologies familiales pour atteindre son aube. Comment honorer la mémoire sans perdre sa propre liberté de femme? comment gagner sa liberté de femmes dans une lignée dont on n’est qu’un maillon. Puisqu’une lignée, c’est aussi une ligne de fuite et ça se joue devant comme le dit si bien Lorette Nobécourt: « Bénis soyez-vous, enfants qui m’avez faite mère en cueillant par-delà ma lignée cet amour dont le soleil chevelu rayonne d’or sur ma vie. »
Le cahier interdit
Alba de Cespedes, 1952
Saisissante lecture du LE CAHIER INTERDIT D’ALBA DE CESPEDES, publié en italien en 1952 et édité au Seuil en français en 2023 ! 350 pages qu’on avale avec passion tant le récit nous invite à penser nos filiations.
Valeria Cosati est une femme invisible parce qu’invisibilisée dirait-on aujourd’hui. Elle a 43 ans, vit à Rome dans les années 1950. Elle est mère de deux enfants en train de quitter la maison, épouse d’un homme qui ne l’appelle plus par son prénom mais affectueusement « Maman »! un homme qui peine à faire vivre sa famille avec son salaire d’employé de banque. Elle travaille parce qu’elle doit travailler pour que le ménage à quatre tourne. Elle est l’une de ces femmes qui a la charge mentale de tout, la maximale dans cette Italie qui sort à peine de la guerre et qui n’est pas encore entrée dans la modernité, qui vit sous la chape d’une morale au prix exorbitant pour les femmes.
Elle est l’une de ces invisibles, jusqu’au jour où elle s’achète un cahier (au lieu des cigarettes pour son mari) que le buraliste lui vend en cachette. Elle en fait son journal intime où elle consigne sa vie, ses réflexions les plus intimes, ses bassesses, ses rêves, ses aspirations, ses culpabilités. Et c’est toutes les années 50 qui défilent dans nos yeux ébahis. De quelle exploitation sommes-nous enfin sorties?
Et on ne peut que songer à la filière des femmes avant nous, à nos mères, grands-mères, arrière-grands-mères, vendeuses, lingères ou agricultrices. À leur souhaiter d’avoir elles aussi tenu un journal secret d’émancipation.
La Sentence
Louise Erdrich, 2023
Que doit-on à la vie, aux absents, aux mots?
Ces trois questions sont les veines-artères qui traversent le formidable et foisonnant roman de Louise Erdrich, d’origine amérindienne, LA SENTENCE, qui a obtenu le prix Femina étranger en 2023.
Et il ne faut pas moins de 420 pages pour comprendre la polysémie de Sentence sur laquelle s’ouvre et se ferme le livre et pour répondre aux trois questions essentielles au travers du personnage principal, Tookie, une Amérindienne de 40 ans qui a fait de la prison pour un crime dont je ne raconterai pas le motif mais qui y découvre – dans le dictionnaire qu’on lui offre - le double sens du mot SENTENCE: à la fois sentence et phrase.
Une décennie plus tard, elle est libre et travaille dans une librairie spécialisée dans la littérature autochtone dans le Minnesota. Mais le roman n’est pas un Xe roman sur les charmes discrets des librairies, il est d’une puissance épique, flirtant avec les contes ojibwés et les cérémonies Potawatomi, l’essai sociologique, historique et anthropologique: on est à l’ère du COVID, à l’ère de l’assassinat par un policier de George Floyd, à l’heure d’une prise de conscience mondiale des fantômes et des plaies qui rongent l’Amérique (et partout ailleurs) : le racisme, l’intolérance. De cette matière explosive, du refus de la haine de soi et des autres, l’auteure accomplit l’exploit d’un roman d’amour qui va jusqu’au débordement tout en maniant un humour unique. On y pleure, on y rit, on y pense comme dans la vie.
Comme une lune noire sur ma table
Christian Viguié, 2024
J’ai dit à mes visiteurs
de ne rien apporter
car leurs yeux étaient déjà emplis
de bien des choses
Ils emportaient avec eux
la longue course du soleil
la nappe rouge de la montagne
et du sable qui est comme des étoiles
sous leurs pieds.
L’Agrafe
Maryline Desbiolles, 2024
Splendide roman, prix littéraire Le Monde en septembre 2024.
On lui décerne quant à nous tous les prix qui n’existent pas encore :
• le prix de l’écriture d’un corps blessé à l’agrafe (autre nom du péroné) par un chien « qui n’aime pas les Arabes »
• le prix de la première page, que dis-je du chapitre tout entier le plus cinématographique (un plan séquence de mots)
• le prix de la langue qui danse, de la syntaxe qui ondule dans l’arrière-pays niçois
• le prix du dévoilement des douleurs enfouies, celles des Harkis « installés en France mais jamais accueillis »
• le prix de la voix narrative collective la plus empathique et poétique
• le prix d’une écriture lumineusement déliée, souple et ample