Les tics de langue

Pourquoi cette attraction-répulsion à l’égard des tics de langue ?

Parce que le français est une langue très normée et que les écarts par rapport à la norme sont souvent mal acceptés, mais aussi parce qu’un tic est une façon efficace d’entrer en contact avec l’autre, un vecteur social d’intégration… ou d’exclusion dans une communauté. Bref, en vrai, les tics c’est abuuuusé, genre comme c’est juste ambivalent !

La brasserie vous propose des tics de langue en kit, pré-cuit et prêt à consommer.
Lequel est-il pour vous addictif ? Auquel êtes-vous allérgique/intolérant·e ?


Je dis ça, je dis rien !

Ce tic sert à la fois à dire et à dire qu’on n’a pas dit. Il tient du sarcasme. Souvent, on voudrait nous faire croire que cette expression « ne veut rien dire”. Pourtant, c’est une façon de dire quelque chose, de critiquer, de se moquer sans laisser à l’autre la possibilité de répondre.

Abusé

« Abusé », parfois « c’est d’l’abus », est une expression hyperbolique, comme « trop bien », « énorme ». Tout l’art ici consiste à appuyer sur la seconde syllabe et, par là, exprimer l’un ou l’autre de ces sentiments : soit son admiration ou son intérêt pour quelque chose, soit, dans une intention tout autre, son irritation, son exaspération à propos d’une situation qu’on estime aller au-delà des limites de l’acceptable. « Elle, c’est abusé comme elle joue trop bien. » « Ce gars, y s’la raconte tellement, c’est abusé ! »

Au jour d’aujourd’hui

« Au jour d’aujourd’hui » est un double pléonasme. C’est un peu comme si on disait « à demain demain d’main » ou « hier hier d’hier ».

Y’a pas de souci

« Tu peux me remplacer demain au bureau ? - Y a pas de souci ». Et s’il y en avait un, de souci ? Le mot signifie préoccupation, étrange de le nier puisque cette préoccupation pour l’autre est justement au cœur de l’action. Et que dire « Un café s’il vous plait ! - Y a pas de souci ». C’est pourtant tellement beau qu’il y en ait dans une brasserie, du souci pour l’autre… L’expression a pris une ampleur sans précédent depuis la crise économique de 2008 : il y a bien une préoccupation générale, mondiale…

Trop bien

Racine l’utilisait aussi ! « Allons lui rendre les honneurs qu’il a trop mérites » (Phèdre). Un « trop » qui ne veut pas dire l’excès mais qui est le synonyme de « très ». Il parle trop bien, Racine !

Juste

C’est juste un anglicisme. En anglais on parle de « end focus », ça sert juste à dire le plus important mais en le plaçant à la fin de la phrase. Ce film est juste trop bien ! It was just amazing !

En mode

Cette expression est progressivement sortie du domaine exclusivement technique des téléphones « en mode silencieux » ou des démarrages « en mode sans échec », pour entrer dans notre langue quotidienne. « En mode » marque donc notre côté cyborg-humanoïde.

Genre

« En fait j’attendais Romain mais il était monstre en retard du coup je suis rentré chez moi t’as vu, et genre maintenant il m’en veut grave, c’est ouf ou bien ? » « Genre » aujourd’hui s’emploie pour éviter d’être trop clair. Il joue sur l’à peu près. Exemple : « - Il était comment ? - Grand, genre vraiment grand. » Il peut aussi parfois prendre le sens de « abusé ».

Être « sur » Paris, Berne, New York ou Fribourg

À moins que vous ne pensiez envahir ces villes ou que vous soyez un·e descendant·e de Gulliver, il y a peu de chance que vous vous retrouviez au-dessus de la ville. En revanche, en matière de vin, il s’agit d’un terme officiel d’œnologie. Donc lorsque le sommelier vous propose de partir « sur un Chablis », il maîtrise parfaitement le vocabulaire de sa profession.

En vrai

Une expression qui montre notre besoin de nous réaffirmer comme appartenant à une vie réelle, par opposition à la vie virtuelle des réseaux sociaux. En vrai, nous avons besoin de rappeler qu’il existe une vie, une réalité qui n’est pas celle des écrans, qui n’est pas celle d’internet, qui n’est pas celle du fantasme.